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C Comme Cinéman
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Harry Brown ***

Harry Brown ***

affiche-harry-brown.jpgHarry Brown, de Daniel Barber, "sorti" le 12 janvier 2011

Vous n'avez jamais entendu parler d'Harry Brown ? Rassurez-vous, c'est normal : les distributeurs français l'ont discrètement censuré à sa sortie en ne le diffusant, en tout et pour tout, que dans 8 salles de cinéma – sans doute à cause de son sujet brûlant, on ne peut plus politiquement incorrect.

De quoi s'agit-il ? D'un vieil homme veuf, Harry Brown, ancien marine à la retraire, vivant reclus dans une sordide banlieue de Londres, ayant pour seule compagnie un ami de longue date avec lequel il tue le temps en jouant aux échecs. Un jour, cet ami lui confie qu'il a peur : car il est harcelé jour et nuit par une bande de délinquants qui s'amuse à le terroriser. Un matin, la police rend visite à Harry Brown pour lui annoncer que son ami a été assassiné. Cette nouvelle l'affecte terriblement. Quand il se rend compte de l'impuissance de la police, le vieil homme décide de rendre la justice lui-même...

Le réalisateur Daniel Barber a choisi un classique canevas de « vigilante movie » pour nous dépeindre la violence inouïe de ces quartiers avec un réalisme implacable. Il dépouille son film de tout artifice, de toute fiction, grâce à une mise en scène quasi-documentaire au rythme volontairement très lent – en dehors de la scène d'introduction tournée caméra sur l'épaule – et à une musique très discrète. On peut apprécier ou non ce parti-pris cinématographique, il n'empêche que cela donne au film un caractère de vérité qui renforce le choc de cette plongée en enfer.

Méprisant un facile moralisme, le film prend, par la force des choses, le parti d'Harry Brown qui doit se résoudre à la violence pour que justice soit faite et, en fin de compte, pour se défendre – ne risque-t-il pas d'être la prochaine victime ? On ne peut que comprendre, si ce n'est approuver, les choix radicaux du vieil homme. La police, d'ailleurs, ne s'y trompe pas, puisqu'elle laisse faire le justicier nocturne qu'elle a pourtant démasqué mais qui débarrasse les bas-fonds de la ville de quelques-uns de ses pires individus – qui, pour certains, sont à peine encore des hommes, tant la drogue et le vice les a corrompus jusqu'à l'extrême – faisant ainsi baisser les statistiques du crime et redorant son image par la même occasion.

L'interprétation de Michael Caine est brillante à plus d'un titre, car jamais il n'essaie d'attirer la pitié ni la compassion du spectateur ; la justesse de son jeu nous fait douloureusement comprendre que chacun de nous pourrait un jour se trouver à sa place : celle d'un individu isolé dans un quartier où le crime règne au grand jour, où d'honnêtes et pauvres gens sont menacés en permanence par des racailles sans foi ni loi. Il n'était pas plus aisé d'interpréter les ennemis d'Harry Brown : ceux qui ont endossé ce rôle livrent une interprétation qui fait froid dans le dos. Âmes sensibles s'abstenir, car quelques scènes sont très choquantes, bien qu'à n'en pas douter le cinéaste ait du faire preuve de retenue.

Dans nos sociétés gangrenées par la violence, où les vices sont érigés en vertus, où l'injustice fait souvent loi, Harry Brown sonne l'alarme : sera-t-il entendu ?