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C Comme Cinéman
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Looper * : ma critique du film !

Looper * : ma critique du film !

Looper-Affiche-France.jpgLooper, de Rian Johnson, sorti le 31 octobre 2012

Doté d'un casting quatre étoiles, précédé d'une critique dithyrambique, annoncé par une bande-annonce alléchante, à n'en pas douter, Looper devait être LA révélation cinématographique de l'année.

Malheureusement, il n'en est rien ; c'est au contraire une belle déception.

Le pitch est pourtant excellent : en 2044, un tueur à gages nommé Joe est employé par la mafia du futur pour supprimer discrètement les victimes qu'elle lui expédie grâce à une machine à remonter le temps ; ni vu ni connu, les meurtres se commettent en 2044 plutôt qu'en 2074. Joe n'est pas le seul « looper » (« bouc leur », en français) : ils sont plusieurs comme lui à travailler pour le compte d'un homme impitoyable qui dans le futur règne sur la pègre et se fait appeler le « Maître des pluies ». Jusqu'au jour où ce dernier décide de « bouc ler la bouc le » de tous les « bouc leurs » et de les faire exécuter par leur double du passé ; ceux-ci savent alors qu'ils ne leur reste plus que trente ans à vivre... Joe se retrouve lui aussi face à son alter ego vieillissant mais ce dernier parvient à s'échapper, bouleversant ainsi le cours de l'histoire...

Hélas, le film est incapable de tirer parti de cette bonne idée. Il se noie dans un scénario confus, incohérent, qui ne possède pas la rigueur indispensable à toute histoire de voyage dans le temps ; pire, il fuit d'emblée ce thème : dans un dialogue déroutant à n'en pas croire ses oreilles, Joe vieillissant (Bruce Willis) explique très sérieusement à Joe jeune (Joseph Gordon-Levitt), qui naturellement se pose des questions sur les conséquences de son retour en arrière, qu'il « ne va pas commencer à expliquer le voyage dans le temps en faisant des schémas sur un coin de table, parce que cela donne mal au crâne », qu'il ne veut pas en entendre parler et puis c'est tout. Ah bon ? Le naïf spectateur que je suis pensais que Looper était un film de science-fiction et qu'il nous donnerait son interprétation du voyage dans le temps. Il faut croire que non, c'eut été trop simpliste.

Car Looper a de l'ambition ; il ne veut pas être catalogué « blockbuster ».

En apparence, il en adopte la forme : quelques effets spéciaux par ci par là ; une réalisation léchée ; un acteur estampillé action ; une fusillade finale... Mais ce n'est qu'une apparence : on se targue d'utiliser quand même quelques trucages d'antan parce qu'on ne jure pas – comme certains – par le tout numérique (et qu'on est doté d'un budget minimaliste de trente millions) ; les décors futuristes se cantonnent à des vues très lointaines d'une mégalopole polluée ; la mise en scène est un brin artificielle (la caméra qui tourne sur elle-même, ça épate toujours son monde) ; on s'évertue à employer la star à contre-emploi ; on expédie au pas de course le règlement de compte final comme une sorte de passage obligé dont il faut se débarrasser au plus vite.

En réalité, le fond et la forme flirtent avec le « film d'auteur » : rythme mollasson qui alterne les rares coups de feu avec d'interminables dialogues qui veulent donner une dimension philosophique, voire métaphysique, au récit ; longs moments de contemplation soigneusement esthétisés ; personnages faussement torturés, prétendument complexes mais finalement très convenus et peu émouvants.

Malgré son point de départ original, le manque d'inventivité du film se ressent très vite ; on a un désolant sentiment de déjà vu : les emprunts aux œuvres cultes que sont Terminator, Retour vers le futur ou Minority Report sont nombreux mais Rian Johnson ne parvient pas à les intégrer pour donner à son film une véritable identité, contrairement à Duncan Jones qui y était parvenu brillamment dans Source Code.

Restent la photographie, très réussie, et les acteurs, tous excellents, qui sauvent le film. Joseph Gordon-Levitt est troublant de mimétisme ; il a su adopter les expressions, la gestuelle de Bruce Willis ; il dégage un charisme viril en même temps qu'une finesse de jeu qui confirment tout le bien que l'on pense de lui ; Bruce Willis est toujours aussi efficace ; le talent d'Emily Blunt crève l'écran. Il est dommage que leurs personnages manquent d'épaisseur, à l'exemple d'Abe, le chef des « bouc leurs » (incarné par Jeff Daniels), personnage important mais dont on ne sait rien !

Loin d'être la révolution cinématographique annoncée, Looper est un objet paresseux, bavard et iconoclaste, au scénario loupé (!), qui, s'il donnera sans doute un beau retour sur investissement à ses producteurs, ne restera pas dans les annales du cinéma.